Si tu étais…
Un acteur
Jeff Bridges, campant le personnage de Jeffrey Lebowski, dans le film The Big Lebowski. Il incarne avec brio le rôle décalé d’un fainéant sans emploi et grand amateur de bowling, aimant se faire appeler « The Dude ». Un tantinet déjanté, il n’a pas hésité à passer en revue sa propre garde-robe pour dénicher quelques-uns des vêtements du Dude !
Un film, une série
The Big Lewosky, comédie américano-britannique, réalisée par les frères Coen, pastichant le genre du film noir, méritant son statut de film culte.
Une musique
Le solo de guitare du morceau Comfortably Numb de Pink Floyd !
Ton petit péché mignon…
Les sushis : je fonds. Mais pas n’importe lesquels, ceux du restaurant Japanhao, à Mulhouse.
Peux-tu nous décrire ton parcours ?
J’emprunte la filière scientifique au lycée. Mais, le calcul des barycentres ou des fonctions numériques n’a pas su susciter en moi quelconque vocation dans les sciences. Bac en poche, je change de voie et intègre la Faculté de droit. Pourquoi le droit ? Comprendre et questionner l’ensemble des règles qui régissent la vie en société… voilà ce qui m’incite à m’engager dans ces études. Et, en plus, les filles sur les bancs de la fac étaient plutôt jolies ! La première année vise à inculquer le raisonnement tout comme la méthodologie juridiques et à élargir sa culture générale. Dès la licence, je me spécialise en droit privé, à partir de la maitrise, en droit des affaires et enfin, en master 2 en droit de l’entreprise.
Je vise alors la carrière de juriste d’entreprise. Malheureusement, cette profession s’exerce principalement à Paris, abritant pléthore de sièges sociaux de grandes sociétés. Destination qui ne m’attire guère. Je poursuis mes études, aspirant à la fonction de gestionnaire de patrimoine et décroche un diplôme universitaire des métiers de la banque. J’effectue un stage d’une durée de 6 mois au sein de la Société Générale à ce poste. Pourtant, l’image que je m’étais construite de cette fonction est biaisée. Il s’agit d’une profession à visée bien plus commerciale que juridique, consistant à vendre des produits bancaires.
Au terme de mon stage, j’accède au poste de juriste d’assurance, au sein du siège du groupe Crédit Mutuel CIC, situé à Strasbourg. Mon rôle consiste à gérer l’ensemble des dossiers d’assurance, soulevant quelconque difficulté juridique. Qu’il s’agisse de contentieux impliquant l’assuré ou d’un tiers responsable, ou d’expertise judiciaire. Au fil du temps, je monte en gamme, gère des dossiers plus lourds, notamment des polices d’assurances maritimes, dont les indemnités dépassent 300 000 euros. L’expérience forge le savoir et la compétence mais elle se montre trop restrictive, ne touchant qu’à deux composantes du droit : le droit des assurances et celui de la responsabilité civile. C’est pourquoi je sollicite une mutation en interne, au bout de deux années et demi et rejoins le service juridique, logé dans la Holding informatique du groupe. Plus généraliste, ce département a vocation à gérer l’activité juridique de l’ensemble des filiales du groupe, qui a trait à l’informatique et aux nouvelles technologies. Ma nouvelle fonction ouvre des perspectives plus larges : le droit des sociétés, le droit des contrats et le droit immobilier.
Au terme de 5 années loin de mon domicile, je quitte cet emploi. J’intègre le Groupe La Tour en 2014. J’occupe aujourd’hui le poste de Responsable juridique.
Tu es la seule personne ressource en matière de droit. Il s’agit d’un poste stratégique clé au sein d’une entreprise, d’autant plus que tu interviens pour le compte de plusieurs sociétés… Comment définirais-tu ton rôle ?
En effet, j’interviens pour le compte des 40 sociétés que comprend le groupe. Mon rôle consiste à vérifier la bonne application des règles de droit, de prévenir et anticiper les risques et enfin de protéger le groupe, dans son développement et ses conflits.
Le juriste d’entreprise est un « business partner », impliquant a contrario du métier d’avocat, de s’extraire des carcans théoriques. Il vulgarise le droit et s’attache à trouver pour l’entreprise la solution la moins défavorable d’un point de vue juridique et la plus favorable sur le plan économique.
Sur quels projets travailles-tu actuellement ?
En matière de droit des sociétés, je citerais la création de la société BIM-K, impliquant notamment la rédaction des statuts et du pacte d’associés.
En terme de droit immobilier, je m’attèle à la rédaction du contrat de promotion immobilière pour le projet de Galfingue -la construction d’une mairie et de logements pour le compte d’Immobilière k-. Il ne s’agit pas d’une tâche des plus aisées, sachant que c’est la première fois que je me confronte à ce cas de figure.
Quant au droit des contrats, je mentionnerais la rédaction du contrat concernant le projet du Golf de la Largue pour le compte de CKD. Ma mission consiste à verrouiller les risques susceptibles d’être rencontrés. Dans le cadre d’un marché public, le contrat est déjà ficelé. Quand il s’agit d’un marché privé, le contrat est à créer. Dans le droit de la construction, il existe une myriade de bases de contrats auxquelles se référer. Cependant, toute base de contrat doit être adaptée au cas d’espèce, avec en amont, un travail méticuleux d’analyse.
Je me penche actuellement sur le cas de la négociation du renouvellement du contrat de l’Holiday Inn, arrivant à son terme. La tâche la plus complexe en matière de contrats ne concerne pas ce qui est écrit… Mais ce qui ne l’est pas !
Enfin, pour ce qui a trait au droit social, je suis en charge de la rédaction des règlements intérieurs, succédant à celle de la charte informatique.
Droit public, droit fiscal, droit social, droit de la propriété intellectuelle, droit bancaire… Les champs d’application du droit sont très larges. A quelles composantes du droit font appel ta fonction actuelle ?
Ma fonction s’inscrit principalement dans les branches du droit suivantes : le droit des contrats, le droit immobilier, le droit des sociétés et le droit social. En finalité, le droit des affaires au sens large.
Deuxième profession du droit en France, tout juste derrière la fonction d’avocat, on compte quelques 17 000 juristes en France. En entamant tes études de droit, savais-tu quel poste allais tu convoiter ? Envisageais-tu le métier d’avocat ?
Initialement, je convoitais le concours d’officier de gendarmerie, accessible au niveau licence. Le recueil d’informations, le travail d’analyse et l’étude des conséquences en découlant ont aiguisé très tôt mon intérêt. D’ailleurs, il y a quelques années, j’ai postulé à un emploi de tracfin, consistant en l’espionnage des transactions bancaires et la traque du blanchiment d’argent. Certes, j’avais un goût marqué pour le droit pénal, mais en faire mon métier n’était pas chose envisageable pour une question d’éthique. Respecter un coupable : très peu pour moi.
A contrario, l’étoffe d’entrepreneur de mon père a éveillé ma soif de curiosité pour tout ce qui a trait à la dimension de l’entreprise. Au-delà de la fonction de juge ou d’avocat, c’est à mon arrivée en maîtrise que j’ai découvert la fonction de juriste d’entreprise. Quant au métier d’avocat, je l’ai rayé du champ des possibles très rapidement. Premièrement, il s’agit d’une profession libérale : la vie professionnelle empiète considérablement sur la vie personnelle. Un tiers des avocats ne gagnent même pas le smic en début de carrière, malgré les heures de travail au compteur. Un avocat très souvent se spécialise dans une branche du droit. Pour ma part, j’aime toucher à tout. Le juriste d’entreprise agit en amont et en aval des problèmes. L’avocat intervient de façon ponctuelle pour le compte d’une entreprise qu’il ne connait que très peu. Je possède une autre vision que celle de l’avocat, bien plus théorique. J’ai connaissance de la stratégie de la direction, du contexte dans lequel s’inscrit l’entreprise.
La différence fondamentale entre ces deux fonctions concerne la question du secret professionnel. Tout écrit émanant d’un avocat est tenu au secret professionnel, contrairement aux écrits provenant d’un juriste. La question de fusionner les deux fonctions revient au cœur du débat tous les deux ans. Dans tout autre pays, aucune différence n’est faite ; tous les juristes d’entreprises sont inscrits au barreau.
Quels aspects te siéent le plus dans ton poste au sein du groupe ?
C’est avant tout de gérer toutes les matières juridiques. Sans exception. Lors de ma prise de poste, j’ai apprécié relever le challenge, celui d’avoir tout à construire. Je mentionnerais également le fait d’être le garant de la conformité du droit dans le groupe. En d’autres termes, être le « gardien du temple » !
Quelles sont les principales difficultés auxquelles tu te confrontes dans le quotidien ?
La dimension généraliste qui me caractérise implique d’apprendre en permanence, malgré un manque de recul et d’expérience dans certains domaines du droit, dont le champ d’application est infini. De l’ensemble des matières du droit, découle le même raisonnement, néanmoins pas les mêmes règles. Ces dernières évoluent rapidement. Je m’autoforme, me documente, plonge dans les bouquins, m’abonne à des newsletters.
C’est fastidieux et chronophage mais avant tout, passionnant. Manquant d’expérience en matière de droit du travail, je me suis porté volontaire pour être juge au conseil des prudhommes, deux à trois fois par mois : très formateur, très enrichissant.
Quelle place occupe la subjectivité quand il s’agit de droit ?
J’ai appris qu’il n’existe pas de vérité juridique. Il s’agit de « comprendre l’esprit du droit ». D’ailleurs, cette notion de subjectivité est au cœur du jeu des avocats. Un avocat, qu’il défende le demandeur ou le défendeur, fait appel à la même règle de droit mais l’interprète de manière différente.
Quelles qualités requiert à ton sens ta fonction ?
Capacité d’analyse, aisance rédactionnelle, pragmatisme, esprit de synthèse et sens de l’écoute sont les qualités essentielles exigées par la fonction. Faire preuve de sang-froid est un atout tout aussi appréciable.
Quels conseils prodiguerais-tu à un jeune visant la carrière de juriste d’entreprise ?
La fonction de juriste requiert patience. Et plus particulièrement en début de carrière. En effet, les savoirs pratiques sont à mille lieues de ce que la théorie décrit. A mon sens, la tâche la plus complexe est de trouver le cadre juridique dans lequel faire rentrer une situation donnée. Cela implique de pousser la réflexion au-delà du champ des écrits ; de mettre en musique la réponse toute faite, donnée par la documentation juridique, pour trouver comment l’appliquer concrètement.
De quelle façon trouves-tu juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?
Je suis un féru de séries loufoques telles que Fargo ou Dirty Gently et de films aux scénarios « étranges » comme les films Mister Nobody ou Donnie Darco. J’aime la lecture et les jeux de société, particulièrement les jeux d’enquête. Sports de raquettes et musique – je joue de la guitare et du ukulélé- sont aussi essentiels.